Marie BALMARY, Introduction à l’occasion du vernissage de l’exposition à Paris, le 21 octobre 2009.

Michel, mon ami, notre ami,

Michel m’a demandé d’introduire le vernissage de cette exposition. Cet honneur me touche et m’intimide aussi. D’abord, parce que j’ai été plus formée à la musique qu’à la peinture. Et puis, c’est un complet renversement de situation. Michel a traduit ce que j’ai écrit dans ma langue et maintenant : est-ce mon tour d’essayer de traduire ce qu’il a peint dans la sienne ? Non, mon propos est plus petit, je vais vous dire en quelques minutes ce que m’évoquent pour moi les tableaux qui sont si lumineusement accrochés ici.
Ce qui me donne confiance pour parler, ce sont toutes ces années de lecture ensemble. Lecture des Écritures qu’il ne s’agit pas pour nous de traduire, mais plutôt de dé-traduire du français. Parfois même guérir des textes que des traductions ont rendus malfaisants. Réexaminer des paroles qui, transmises souvent malades ont rendu malade, retrouver la vie qui parle là.
À propos de la vie, un jour Michel nous a envoyé cette phrase de Franz Liszt : « Dans la vie, il faut décider si l’on veut conjuguer le verbe avoir ou le verbe être ». Je crois que, pour sa part, il a choisi son verbe, et il en a trouvé un des chemins les plus courts : celui qui fait des détours. Où donc est caché le verbe être ? Entre nous sans doute, dans la parole et même, bien souvent, dans l’écriture, la parole qui ne va plus se perdre.
Il me semble que tous les tableaux de Michel renferment une écriture cachée. Car ce que je vois ici, c’est une grande célébration de paroles écrites. Poétiques, prophétiques, chantées, prières cachées, paroles du début et de la fin du monde. Hommage à ceux qui ont parlé pour toujours – les écrits restent – des paroles dont on peut nourrir la vie.
La peinture de Michel célèbre non pas le monde, non pas ce que fait l’homme, mais ce qui fait l’homme, il célèbre ce sur quoi l’homme s’appuie pour être.
J’ai passé une heure magnifique à rechercher les paroles qui ont inspiré ses tableaux. Des paroles larges, fortes, des passages somptueux qui sont dans le cœur de ses hommages. Hommage à Camus, à Baudelaire, à Boris Vian, aux non-violents… Hommage aux chants des plus beaux du jazz américain.
Célébration d’un privilège inouï que nous pourrions méconnaître, celui de savoir lire et écrire – cette belle écriture qui est la sienne – je ne sais pas si vous avez déjà reçu une lettre, une carte manuscrite de Michel Perquy : cette écriture est déjà de la peinture, aile de papillon, si lisible et pourtant prête à s’envoler.
L’écriture de tous les peuples représentés ici par trois calligraphies en hébreu de « au commencement » (béréshit), de la « paix » (shalom) et l’idéogramme chinois qui dit « amour ».
Peinture d’une fraternité qui ne vient pas d’un devoir fraternel mais passe partout. Rien de trop petit pour la parole. Je ne prends pour exemple que le plus petit objet qui est représenté ici. Apparemment le plus insignifiant. Cet œuf emprisonné dans lequel on reconnaît tout à coup un poème de Prévert, même si on ne sait plus le titre. Il s’appelle « La grasse matinée » :

Il est terrible

le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim.
Et puis ces « Étranges étrangers », ceux qui, de tous pays, se trouvent ici exilés, vous tous :
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou bien du Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres.

Et puis, il y a la non violence, la force des sans pouvoir – de Vaclav Havel, « lécriture pour résister ».
Il y a ces chants – et je n’ai pas compris comment en voyant le tableau, le titre, j’ai entendu tout de suite ces deux si belles chansons d’amour et de secrète prière. Je ne vais pas vous relire tout… mais comment ne pas lire au moins le passage de Camus :

J’aime cette vie avec abandon et veux en parler avec liberté : elle me donne l’orgueil de ma condition d’homme. Pourtant, on me l’a souvent dit : il n’y a pas de quoi être fier. Si, il y a de quoi : ce soleil, cette mer, mo cœur bondissant de jeunesse, mon corps au goût de sel et l’immense décor où la tendresse et la gloire rencontrent dans le jaune et le bleu. »

Et puis, en terminant, Michel, te rejoindre dans cette mystérieuse prophétie d’un auteur qui, passant par tous les détours possibles, a écrit un jour :
Un jour il y aura autre chose que le jour.

Je ne lirai plus jamais de la même façon les écritures secrètes que tu nous a traduites dans ta langue à toi.

Merci pour tes envois, cher Michel, je découvre avec plaisir ton univers qui révèle une part de toi très poétique, un univers parallèle et très graphique qui me rappelle certains surréalistes _ tu es belge certainement dans une part de ta peinture au lyrisme contenu. (…) Tu as une vraie originalité et c’est vraiment une très belle découverte. (oct. 2009)

Da hast Du einen wirklich sehr schöne Ausstellung bekommen. Wir freuen uns für Dich und sind aux hein bisschen stolz auf Dich.
Wir haben Deine Malerei immer mit großer Anteilnahme begleitet, und Du weißt, dass uns vièle Deine Bilder sehr gut gefallen. (21/10/2009)

C’est une belle joie de pouvoir partager une petite partie de votre monde profond, sensible et fin et de profiter dans toutes vos œuvres de votre véritable et réconfortante sincérité. Merci de porter ce beau message d’une vie merveilleuse, visible et invisible, donnée à ceux qui acceptent de la contempler. (21/10/2009)

Dikke proficiat met deze eerste luisterrijke expositie. Het was heel tof om te zien hoe jullie ook weer in deze nieuwe omstandigheden jullie eerlijke zelf blijven. Onder de schilderijen zitten pareltjes. (21/10/2009).

Quel bonheur de retrouver exposées dans ce lieu (…- ces œuvres que j’ai découvertes pour la plupart dans les recoins calmes du grand escalier de Crouy-sur-Ourcq… et dans l’atelier de l’artiste ! Que cette exposition soit la clé de sol d’un nouveau et magnifique chemin artistique. (21/10/2009)

‘t Was een goede beslissing om vanavond hierbij aanwezig te zijn. (21/10/2009)